
Créer et gérer sa propre boutique en France n’est pas forcément très simple … surtout pour une étrangère ! Même si ça reste une aventure exceptionnelle et riche en enseignements.
Je suis Ana Carrillo. Je vis en France depuis un peu plus de 10 ans et, il y a 5 ans, je me suis lancée dans la création de ma boutique pour que ma vie professionnelle soit aussi ma passion : celle de mon pays et de sa culture.
Etape par étape, j’ai fait toutes les démarches de création en France, et ça n’a pas été une mince affaire !
Le projet Tienda Esquipulas
J’ai tout d’abord passé un peu plus d’un an pour préparer mon projet. Pendant que je faisais une formation à la création d’entreprise de la Chambre de commerce de Paris, où j’ai appris à construire les fameux “business plans”, j’ai arpenté les rues de Paris pour étudier les boutiques proches de ce que je voulais créer, puis relever leur chiffre d’affaires sur internet etc.
Au bout de cette année, vers février 2002, j’ai pu rédiger mon 1er projet et chercher les financements pour le lancer. Parmi toutes les difficultés, la pire a été de trouver et négocier un local avant même d’avoir le moindre euro pour l’acheter.
A ce moment, j’ai été d’ailleurs complètement effarée des prix des locaux commerciaux à Paris, sans parler des reprises délirantes qui sont demandées, alors qu’il n’y a que dalle à reprendre … à part le droit de faire des travaux tant l’état du local est désastreux. Bref …
Cahin caha j’ai fini par trouver un local acceptable dans le quartier que je voulais, le quartier Oberkampf, et j’ai eu la chance de pouvoir présenter mon dossier à l’association Paris Initiatives qui aide au financement de la création d’entreprises.
Grosse émotion le jour où j’ai dû aller présenter moi-même et oralement le dossier au comité de sélection. Pas dormi de la nuit, je suis arrivée en retard, stressée et tout ! C’était la première fois que je faisais ce genre de truc, et en France en plus … et même si je parle bien français, c’est autre chose de devoir exposer tout un projet comme ça.
Mais tout s’est super bien passé 🙂 Et mon projet a été accepté. On m’a accordé un prêt d’honneur à titre personnel, et une caution solidaire pour pouvoir emprunter à la banque ce que je devais emprunter … Je suis repartie trop heureuse : mon projet allait enfin voir le jour !
La création de la Tienda Esquipulas
Je sais depuis que c’est une rengaine connue, mais mon projet n’a pas fait exception à la règle. De toutes les banques que j’ai sollicitées, seule la BRED a accepté le projet (malgré le soutien de Paris Initiatives), et encore … sans accepter de considérer la caution de cet organisme et en exigeant que je sois caution personnelle …
J’ai bien essayé de me battre un peu contre ça, mais sans succès. Caution perso ou rien. Allons y pour la caution perso donc … puisqu’il n’y a pas le choix.
Le pire restait à venir : je me suis trouvée complètement assomée par l’accumulation des frais que j’avais à payer alors que je n’avais même pas encore commencé mon activité : frais d’avocats (déments !), frais d’agences immobilière, frais de création de ligne téléphonique, etc … sans même parler des premiers mois : forfait social (je paye 100% de mon maigre salaire en charges sociales !), forfait minimum de comptabilité (et encore c’est moi qui dois faire presque tout le boulot parce que pour ce prix le comptable ne bouge pas le petit doigt), etc etc …
Sans compter que, pour tout couronner, je me suis retrouvée en face d’un propriétaire qui a exigé (rien que ça) pour me donner le bail que je lui laisse en dépôt une caution bancaire égale à un an de loyer ! Rien de moins que 5000 euros de trésorerie bloqués …
Bref, la douche froide. 5 ans après j’ai encore les gouttes : l’un des organismes sociaux se refuse (allez savoir pourquoi) à prendre en compte l’ACCRE dont je bénéficiais et me réclame à grand renfort d’huissiers etc … le paiement de charges sociales dont j’ai été normalement exonérée …
La France c’est vraiment pas le pays de la création de petites entreprises !!!!!
Les 1ères années de la Tienda Esquipulas
Bon, malgré tous ces obstacles, j’ai ouvert au 123 rue Saint-Maur un jour de décembre 2002 après avoir fait un premier voyage d’achats au Guatemala et importé toutes mes marchandises par voie maritime.

J’étais trop émue. Je ne voulais pas y aller. J’ai demandé à mon copain de m’accompagner 🙂 J’avais peur de ne pas savoir quoi répondre aux clients … Je m’en souviens encore, et j’ai toujours derrière ma caisse le premier billet de 20 euros de ma première vente !

Mes 5 premières années se sont bien passées. J’ai pu rembourser tous les emprunts que j’avais souscrits, et me payer un petit salaire régulièrement. Mais j’ai fini par réaliser que la rue Saint-Maur était vraiment trop éloignée des destinations des parisiens lorsqu’ils font des achats (et encore … quand ils cherchent un peu plus loin que les grands magasins …).
Alors j’ai décidé de déménager. A nouveau Paris Initiatives a été vraiment super, grâce au “parrain” qui suivait mon activité depuis le début. Et re-business plan, et re-comité de sélection : mon projet de déménagement a été accepté à l’unanimité 🙂
Bon, les banques pareilles à elle-mêmes : j’ai beau avoir une caution sur 10.000 euros, elles n’ont financé que 6.000 sous prétexte qu’elles n’utilisent pas ce système de caution …
Mais j’ai quand même réussi à m’installer au 1er trimestre 2007 à une bien meilleure adresse, dans le quartier Abbesses, 20 rue Houdon (75018). Un local plus grand, un quartier bien plus passant, rien à voir avec la 1ère boutique, et un grand espoir de voir mon activité enfin grandir !

Je continue à m’accrocher et à essayer de faire vivre la boutique. La fidélité de nombreux clients et l’importance croissante du site internet me donnent bon espoir de parvenir à survivre et à développer mon activité 🙂 De temps en temps, coups de coeur ou coups de gueule, sur ce blog je viendrai parler de mon quotidien de toute petite entrepreneuse étrangère en France !
Et en tout cas, merci à tous ceux qui m’ont aidé depuis le début, et qui viennent fidèlement acheter des trucs chez moi, que ce soit de l’encens à 0,50 € ou des pinatas à 80 € !
Ana